Culpabilité ou Impuissance

Parfois nous éprouvons de la culpabilité par rapport à une action que nous regrettons. Nous voudrions pouvoir changer le passé, et nous nous faisons un film mental de ce qui aurait pu se passer si…

En vérité, ce qui s’est passé devait se passer. Même si nous revenions 10 ou 1000 fois dans le passé, nous aurions commis les mêmes actes (ou non actes) regrettables. Pourquoi, parce que nous ne pouvons pas revenir en arrière avec la connaissance de maintenant. Nous serions revenus dans le passé avec la connaissance du passé pour faire les erreurs du passé. Nous avons l’illusion que nous aurions pu revenir dans le passé avec le savoir de maintenant.  Dans le passé, nous avons fait ce que nous devions faire à ce moment-là, bien ou mal. Dans le passé, nous n’avions pas les informations de maintenant. Pourquoi ce film mental alors? Pour éviter de ressentir la douleur. Nous nous accrochons à un film et nous faisons semblant pour ne pas ressentir la réalité. Nous nous accrochons à un film où nous serions plus beaux, plus grand, plus fort, mieux et meilleur: une image idéale de nous-même. La réalité est simple: un sentiment immense d’impuissance par rapport à ce qui s’est passé sans pouvoir le changer, un sentiment d’impuissance face à la réalité douloureuse, une grande souffrance par rapport aux conséquences que nous avons créées.

Pour dépasser la culpabilité, une solution: l’amour de soi-même. Et cela passe par l’acceptation de la réalité telle qu’elle est, sans espoir de pouvoir la changer. Accepter le sentiment d’impuissance face au passé, face aux conséquences dans le présent. Accepter d’avoir soi-même commis l’irréparable. L’acceptation de la réalité, c’est aussi ressentir le lot de douleurs et de chagrins qui vont avec.  Après on redevient responsable de ses actes. On assume les conséquences de ses actes. Après, on gagne en sagesse et en tolérance envers les autres. Après, on peut éprouver le véritable amour de soi-même.

Il n’y a rien à excuser ni à pardonner. Il y a simplement la responsabilité de nos actes et des conséquences à assumer. L’amour de soi passe par l’acceptation du côté sombre.

5 pistes pour gérer le sentiment d’impuissance

Sacré sentiment d’impuissance face à une situation, qui a le don de générer une collection d’émotions pénibles: agacement, frustration, inquiétude ou découragement… dont on se passerait aussi volontiers que de devoir faire les courses le samedi.  Parce que l’impuissance à résoudre un problème, à trouver une solution, à obtenir ce que nous voulons est l’indicateur de quelque chose qui nous déplaît foncièrement: nous avons atteint nos limites.

Le sentiment d’impuissance au quotidien

Nous n’allons pas parler ici du sentiment d’impuissance face à des situations potentiellement traumatisantes comme la perte d’un emploi, ou de celui à tendance absolue ou existentielle annonciateur de burnout. Ceux-là nécessitent probablement un traitement plus psychologique que comportemental.

Nous allons plutôt nous intéresser à nos réactions émotionnelles face ces circonstances qui constellent nos quotidiens professionnels, mais aussi personnels, de sensations de blocage, d’être entravé pas l’impression de ne pas disposer des moyens nécessaires pour accomplir une tâche ou obtenir quelque chose d’important à nos yeux. Bref, ces situations qui nous laissent comme une fleur de printemps prise dans les glaces d’une neige tardive.

Ce sentiment d’impuissance nous renvoie à une incapacité morale, relationnelle ou opérationnelle de faire face à la situation, qui grignote goulûment l’estime de soi, et nous l’avons tous croisé un jour:

– Vous avez attendu une plombe sur la hotline de votre FAI et vous vous retrouvez face à un interlocuteur qui après 38 manips et vérifications ne trouvent aucunes explications rationnelles à vos problèmes de connexion Internet. – Vous avez suivi à la lettre la notice du meuble suédois que vous avez acheté le week-end dernier et rien à faire, la pièce KraftSven B12 est trop grande d’un centimètre. – Suite au contrôle technique de votre voiture, la célèbre franchise Estauto vous présente le devis: 1100 € de pièces à changer. Vous avez le sentiment confus de vous faire empapaouter, mais bon les arbres à came, ce n’est pas vraiment votre truc.

Sentiment d’impuissance et réactions épidermiques

Ça, c’est pour les  multiples petits incidents agaçants de la vie courante. Prenons à présent un exemple dans la vie professionnelle: Dupont-Durand devait vous remettre les prévisions comptables sur lesquelles reposent toutes vos propositions pour le second trimestre il y a trois jours, mais il est débordé, il n’a même pas commencé et la réunion, c’est demain à la première heure.

Evidemment, il peut être difficile de résister à l’envie de trépigner d’agacement et de laisser libre cours à notre colère. C’est d’ailleurs ce que nous faisons souvent dans ces cas-là, car elle a l’avantage, en s’abattant sur un contemporain qui cesse d’écouter à la première gueulante, de détourner l’attention d’éventuels quidams à l’affût de preuves de nos faiblesses. Voire peut-être de nous déresponsabiliser.

Car c’est sans doute cela qui génère toutes les émotions négatives décrites ci-dessus: le sentiment d’impuissance nous indique clairement que nous avons atteint notre seuil d’incompétence et qu’il nous faudra bien avoir recours à d’autres ressources pour trouver une réponse adéquate à la situation qui nous préoccupe. Nous pouvons maugréer tout notre soûl et vouer le sort à des gémonies toutes pyloriques: la situation nous échappe et les vociférations n’y changeront pas grand-chose.

5 pistes pour gérer l’impuissance

1- Prendre du recul

Rappelons-nous que céder à l’expression d’une frustration pénible sur une tierce personne, si elle paraît à première vue pouvoir nous soulager, peut présenter des inconvénients majeurs:

Préférons donc prendre du recul et nous pencher sur les besoins insatisfaits qui déclenchent nos réactions négatives face à la situation: voir Remparts, coursives et échauguettes, les états de défense aux émotions. Les pistes développées ci-dessous sont des moyens de satisfaire certains de ces besoins.

En l’occurrence, il peut s’agir d’un besoin de développer des compétences spécifiques (opérationnelles mais aussi relationnelles, comme s’affirmer), d’accepter que nous ne maîtrisons pas tout, ou encore de faire appel à une autre personne pour nous aider (auquel cas, le besoin peut très bien être de construire une estime de soi suffisante pour accepter ses propres limites):

Quelles sont les situations qui génèrent chez vous un profond sentiment d’impuissance? De quoi avez-vous besoin pour vous sentir mieux? De l’aide de qui? De développer quelle compétence? D’accepter quoi?

Et comme toujours, faites preuve de bienveillance envers vous-mêmes, d’abord parce que vous êtes une personne sympa, et ensuite parce que vous malmener mène à la dévalorisation, pas à l’amélioration;)

2- Lâcher prise

Certaines situations sont tellement hors de notre contrôle que le sentiment d’impuissance devient peut-être le reflet d’un désir de toute-puissance qui mène à bien des déceptions: nos propres attentes vis-à-vis de nous-mêmes sont alors complètement disproportionnées et méritent d’être revisitées pour nous lâcher un peu la grappe et nous éviter rumination et auto-dévalorisation.

3- Retrouver le fil et agir

Reprenons l’exemple de Dupont-Durand qui n’a pas fait son boulot. Il est possible que notre colère face à l’impossibilité de faire le nôtre sans avoir les informations nécessaires vienne aussi du fait que nous n’avons pas assuré le suivi du dossier en amont. Faute de communication, nous nous retrouvons dans l’impasse et au fond, c’est à nous-mêmes que nous en voulons. Remonter à l’origine du problème pour voir comment les mécanismes se sont joués et mettre en œuvre une autre stratégie la prochaine fois est un bon moyen de sortir du duo infernal culpabilisation/rumination.

4- Trouver des solutions

Si le point 3 est indispensable, il ne résout pas notre problème du moment: Dupond-Durand ne nous ayant pas donné ses conclusions, comment allons-nous présenter des propositions dignes de ce nom demain matin? Si la situation est délicate, elle n’est probablement pas désespérée:

  • Vous avez développé votre débrouillardise et votre créativité, elles vont vous aider à rebondir et à trouver des solutions rapides avec Dupond-Durand.
  • Vous avez travaillé l’estime de vous et êtes capable d’une affirmation de vous sereine et décomplexée, qui vont vous permettre d’aller exposer la situation à votre N+1 sans tout mettre sur le dos de Dupond-Durand, et peut-être négocier un délai avec assertivité et aller faire un tour du côté du triangle de Karpman.

5- Accepter ses limites et demander de l’aide

Il nous est souvent difficile de nous résoudre à demander de l’aide dans des environnements professionnels souvent perçus comme hostiles et dans lesquels admettre ses limites peut être considéré comme un aveu de faiblesse. Autant par le biais des jugements hâtifs d’autrui que par nos propres tendances à la dévalorisation, d’ailleurs, en mode “je dois y arriver tout seul sinon je suis nul/je vais passer pour un abruti”. Pourtant, connaître et reconnaître ses limites relationnelles ou opérationnelles sont plutôt une preuve de caractère, le reflet d’une estime de soi qui ne craint pas le regard de l’autre, ce qui constitue une grande force et nous évite bien du stress. Si le sentiment d’impuissance vous vient d’une situation qui dépasse vos compétences, autant apprendre:

Personnellement, je me suis débarrassée de bien des agacements face à mon incapacité à traiter certains problèmes d’ordinateur, mon principal outil de travail, depuis que j’ai admis ma limite de compétence et confié l’affaire à un informaticien, qui me les règle en moins de temps qu’il en faut pour le dire.

 
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